Acheter un bien immobilier en France, c’est aussi affronter une réalité un peu moins glamour : les fameux « frais de notaire ». Entre 7 et 8 % dans l’ancien, environ 2 à 3 % dans le neuf… la note grimpe vite. D’où la question qui revient à chaque signature de compromis : est-ce que ça se négocie vraiment ?
La réponse courte : oui… mais pas comme on l’imagine, et pas sur tout. La réponse détaillée, on va la voir ensemble, pas à pas, pour que vous sachiez ce que vous pouvez réellement négocier avant d’acheter, ce qui est intouchable, et les leviers intelligents pour réduire la facture globale.
Que recouvrent vraiment les « frais de notaire » ?
Premier réflexe : démonter le mythe. Les « frais de notaire » ne vont pas intégralement dans la poche du notaire, loin de là. Dans la majorité des cas, la plus grande partie est reversée à l’État et aux collectivités.
Concrètement, les frais se décomposent en trois grandes catégories :
- Les droits de mutation et taxes : ce sont les impôts payés à l’État et au département (souvent 5 à 6 % du prix du bien dans l’ancien). Ils sont totalement non négociables.
- Les débours : ce sont les sommes avancées par le notaire pour votre compte (cadastre, géomètre, documents d’urbanisme, formalités, etc.). Là encore, pas de marge de manœuvre : il s’agit de remboursements de frais.
- Les émoluments du notaire : il s’agit de la rémunération réglementée de l’office notarial, calculée selon un barème national. C’est la seule partie, ou presque, sur laquelle une négociation est envisageable.
Si vous retenez une chose : sur 10 000 € de « frais de notaire », seule une petite portion correspond réellement aux honoraires du notaire, et donc à un potentiel rabais.
Ce qui est négociable… et ce qui ne l’est pas
Depuis la réforme tarifaire des notaires (loi Macron), un notaire peut appliquer une remise sur une partie de ses émoluments. Mais attention, ce n’est ni automatique, ni obligatoire.
Voici les règles à connaître :
- La remise ne peut porter que sur les émoluments proportionnels de l’acte de vente, pas sur les taxes ou les débours.
- Elle ne peut s’appliquer que sur la tranche de prix supérieure à 150 000 €.
- La réduction est plafonnée : maximum 20 % de remise sur cette partie.
- Le notaire doit appliquer sa politique de remise de façon uniforme à tous ses clients dans une même catégorie d’actes (par exemple, toutes les ventes immobilières). Il ne peut pas faire un geste « au cas par cas », au gré de sa sympathie.
En pratique, ça donne quoi ? Prenons un exemple simple.
Vous achetez un appartement à 300 000 € dans l’ancien :
- Les frais totaux tourneront autour de 22 000 à 24 000 € (ordre de grandeur).
- Sur cette somme, disons que les émoluments représentent environ 3 000 €.
- La remise de 20 % ne peut s’appliquer que sur la tranche du prix au-dessus de 150 000 € (donc 150 000 €), et uniquement sur la part des honoraires correspondant à cette tranche.
Au final, la réduction possible se situe souvent entre quelques centaines d’euros et, dans les gros budgets, un peu plus d’un millier d’euros. Ce n’est pas négligeable, mais on est loin de diviser les frais par deux.
Dans quels cas la négociation des frais de notaire est-elle la plus réaliste ?
Tous les dossiers ne se prêtent pas de la même façon à la négociation. Certains profils ou situations incitent davantage un notaire à accorder une remise (lorsqu’il le peut).
Vous augmentez vos chances si :
- Vous achetez un bien à prix élevé : plus le montant de la transaction dépasse 150 000 €, plus la base sur laquelle s’appliquerait la remise est importante.
- Vous confiez plusieurs dossiers au même notaire : achat + donation, achat + création de SCI, achat + succession en cours… Un client « long terme » peut être plus facilement choyé, dans le respect du cadre légal.
- Vous passez par un office notarial à fort volume d’activité : certains offices, très actifs en transactions, ont déjà une politique de remise standard sur les ventes au-dessus d’un certain montant.
- Vous arrivez tôt dans la relation : évoquer la question au moment du choix du notaire ou lors de la préparation du compromis est toujours plus simple qu’à 48 h de la signature de l’acte définitif.
À l’inverse, si vous achetez un petit bien à 90 000 €, l’effet d’une éventuelle remise sera mathématiquement très limité, voire inexistant (puisque la remise ne s’applique qu’au-delà de 150 000 €).
Comment aborder le sujet avec le notaire sans se fermer des portes ?
Poser la question n’est jamais interdit, mais la manière de le faire compte énormément. Le notaire n’est pas un commerçant en train de négocier le prix d’un canapé, et sa marge de manœuvre est très encadrée.
Quelques pistes pour aborder le sujet avec tact :
- Posez la question de façon factuelle : « J’ai lu que les notaires pouvaient parfois appliquer une remise sur leurs émoluments au-delà de 150 000 €. Est-ce que votre office pratique ce type de remise sur les transactions de ce montant ? »
- Montrez que vous connaissez le cadre légal : cela crédibilise votre démarche et évite les demandes irréalistes du type « Vous pouvez me faire 30 % sur la totalité des frais ? ».
- Évoquez la perspective de futurs dossiers si c’est le cas : projet de SCI familiale, donation à venir, achat locatif ultérieur… Sans en faire trop, bien sûr.
- Restez courtois : un refus n’est pas un affront. Certains offices ont fait le choix de ne pas pratiquer de remise pour des raisons d’équilibre économique ou d’organisation.
Et si la réponse est non ? Ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle. Un notaire solide, organisé, disponible pour expliquer vos actes et sécuriser la transaction vaut parfois bien plus que 300 € d’économie.
Frais de notaire dans l’ancien vs dans le neuf : les vrais écarts
Avant même de parler de négocier, il est utile de comprendre pourquoi les frais sont si différents entre un bien ancien et un bien neuf.
Dans l’immobilier ancien, les frais de notaire sont en général entre 7 et 8 % du prix de vente. La différence vient principalement :
- du niveau des droits de mutation (taxes) beaucoup plus élevés,
- d’un prix de référence qui est souvent le prix « acte en mains » indiqué dans le compromis.
Dans le neuf (VEFA, logement achevé depuis moins de 5 ans et vendu par un professionnel assujetti à la TVA), les frais descendent souvent autour de 2 à 3 %. La clé de cette différence, ce sont des droits de mutation nettement réduits.
Ce point est important, car :
- La meilleure façon de « négocier » les frais de notaire, parfois, c’est le choix du type de bien (ancien vs neuf).
- Sur un même budget global, 250 000 € par exemple, l’écart de frais entre un bien neuf et un bien ancien peut atteindre plus de 10 000 €. C’est bien plus que ce que vous obtiendrez via une remise sur émoluments.
Évidemment, le neuf et l’ancien n’offrent pas les mêmes emplacements, les mêmes rendements locatifs, ni la même qualité architecturale… mais pour un primo-accédant à l’euro près, ce critère mérite d’être regardé de près.
Les vraies astuces légales pour réduire vos frais de notaire
Plutôt que de tout miser sur une remise hypothétique, il existe des leviers parfaitement légaux pour alléger la facture. Ceux-là sont souvent plus puissants que la négociation des émoluments.
Parmi les plus efficaces :
- Distinguer le prix du mobilier dans l’acte : si le bien est vendu avec une cuisine équipée, des placards, voire certains meubles, il est possible de distinguer dans le compromis la part correspondant au mobilier (non soumise aux droits de mutation) du prix de l’immobilier nu. La conséquence : les frais sont calculés sur un montant inférieur.
- Exemple : appartement vendu 250 000 €, dont 5 000 € de mobilier. Les frais seront calculés sur 245 000 €.
- Attention : le montant du mobilier doit rester cohérent avec sa valeur réelle ; le notaire et, potentiellement, l’administration fiscale peuvent refuser une valorisation fantaisiste.
- Faire porter les frais d’agence à la charge de l’acquéreur : si les honoraires de l’agence immobilière sont explicitement à la charge de l’acheteur et mentionnés distinctement dans l’acte, la base de calcul des droits de mutation peut être réduite. Dans certains cas, les frais de notaire seront calculés sur le prix « hors frais d’agence ». Là aussi, on parle souvent de plusieurs centaines ou milliers d’euros d’économie potentielle.
- Comparer les simulations de différents notaires : les barèmes sont nationaux, mais la façon de chiffrer certains débours ou provisions peut varier légèrement d’un office à l’autre. Demander une simulation détaillée vous permet aussi de vérifier que tout est cohérent.
- Éviter les actes redondants ou mal préparés : plus vous anticipez certains points (servitudes, mitoyenneté, situation locative, diagnostics à jour), moins il y a de risques de devoir passer des actes rectificatifs ou complémentaires… qui, eux, génèrent de nouveaux frais.
Ces leviers doivent toujours être maniés avec un notaire qui vous accompagne, pour rester dans le cadre légal et éviter toute remise en cause fiscale ultérieure.
Peut-on mettre les notaires en concurrence sur les frais ?
Contrairement à une idée persistante, choisir un notaire « moins cher » n’apportera pas de révolution sur le montant total des frais. La plupart des composantes sont rigoureusement les mêmes, d’un office à l’autre.
Là où la mise en concurrence a un sens, c’est plutôt sur :
- La qualité du conseil : pédagogie, disponibilité, explications claires des clauses, relecture du compromis, anticipation des problèmes (droit de préemption urbain, servitudes, division, situation locative…).
- Le délai de traitement : certains offices sont débordés et peuvent rallonger les délais entre compromis et acte authentique.
- La transparence du chiffrage : un bon notaire vous remet une simulation détaillée des frais, décomposée par nature (émoluments, débours, taxes).
- La politique de remise, si elle existe : certains offices notifient clairement leurs remises éventuelles sur leur site ou en rendez-vous.
Un autre point souvent méconnu : acheteur et vendeur peuvent chacun choisir leur notaire. Les deux notaires travailleront alors ensemble, et leurs émoluments seront partagés, sans surcoût pour vous. Cela peut être utile si vous tenez à votre notaire habituel alors que le vendeur souhaite garder le sien.
Et pour un investissement locatif, faut-il négocier différemment ?
Pour un investissement locatif, la question des frais de notaire doit se lire dans une perspective un peu plus large : celle de votre rendement global et de votre fiscalité.
Quelques points à intégrer :
- Les frais de notaire s’ajoutent au prix d’acquisition pour calculer votre plus-value le jour de la revente. Plus précisément, vous pouvez les intégrer au prix d’achat retenu par le fisc. Ils ne sont donc pas « perdus à jamais » dans cette perspective.
- Si vous êtes en régime réel (location nue ou meublée), une partie des frais de notaire peut être amortie ou prise en compte dans votre stratégie fiscale, selon la structure choisie (direct, SCI, LMNP, LMP…).
- Dans certains montages (SCI à l’IS, par exemple), la comptabilisation des frais d’acquisition dans le coût du bien amortissable peut avoir un effet significatif sur votre résultat imposable.
Dans ce contexte, économiser 500 ou 1 000 € de frais de notaire est intéressant, mais moins déterminant que :
- acheter au bon prix,
- choisir le bon mode de détention,
- anticiper la fiscalité à la revente.
Raison de plus pour voir le notaire non seulement comme un « coût », mais comme un partenaire juridique et fiscal dans votre projet d’investissement.
Les erreurs fréquentes à éviter autour des frais de notaire
En pratique, sur le terrain, je vois souvent revenir les mêmes approximations. Certaines peuvent vous coûter cher, d’autres simplement vous faire perdre du temps.
- Penser que « tout est négociable » : non, l’essentiel des frais est constitué de taxes et droits, totalement verrouillés. Insister lourdement sur ce point avec un notaire risque juste de tendre la relation.
- Confondre frais de notaire et émoluments : parler de « frais de notaire » en bloc entretient la confusion. Pour discuter sérieusement, mieux vaut distinguer clairement la part fiscalité / débours / émoluments.
- Sous-estimer les frais dans son plan de financement : bâtir son budget en prenant 5 % de frais sur un bien ancien, par exemple, est un classique… et crée souvent un trou de plusieurs milliers d’euros à combler au dernier moment.
- Tenter des montages « créatifs » pour gonfler le mobilier : faire passer 30 000 € de prix en mobilier dans un T2 vide, ça ne trompe ni le notaire, ni l’administration fiscale. Ce n’est pas une économie, c’est un risque.
- Ne pas demander de simulation détaillée : accepter un montant global sans décomposition empêche de comprendre où va votre argent et de poser les bonnes questions.
La meilleure protection, c’est d’anticiper : en parler dès la promesse ou le compromis, et non au moment de la signature définitive.
En résumé : que pouvez-vous vraiment espérer sur vos frais de notaire ?
Si l’on remet tout à plat, voici ce que vous pouvez raisonnablement attendre avant d’acheter un bien immobilier :
- Oui, une négociation limitée est possible, mais uniquement sur la part des émoluments, au-delà de 150 000 €, et dans la limite de 20 %.
- Non, vous ne pouvez pas négocier les droits de mutation et taxes, qui représentent pourtant la plus grosse part des frais.
- Les vrais leviers d’économie résident souvent dans :
- la bonne qualification du bien (neuf / ancien),
- la distinction claire du mobilier,
- la répartition des frais d’agence,
- la qualité de la préparation du dossier.
- Le choix du notaire doit surtout se faire sur le sérieux, la disponibilité et la qualité de conseil, plus que sur une remise hypothétique de quelques centaines d’euros.
Si vous êtes à l’étape du compromis ou que vous venez de repérer un bien, le plus utile est souvent de :
- solliciter rapidement un notaire,
- demander une simulation détaillée des frais,
- poser clairement la question de sa politique de remise,
- et vérifier avec lui les marges de manœuvre sur le mobilier ou la prise en charge des frais d’agence.
C’est en maîtrisant ces éléments que vous pourrez acheter en toute lucidité, sans mauvaise surprise au moment où l’on vous tendra le stylo chez le notaire. Et, accessoirement, vous pourrez répondre avec précision à la fameuse question : « Tu as payé combien de frais de notaire, toi ? ».

