Lors d’une vente immobilière, la même question revient systématiquement : qui paie les frais d’agence ? Le vendeur, l’acheteur… ou un peu des deux, selon ce qu’on écrit dans le compromis ?
Si vous avez déjà visité un bien avec la mention « 320 000 € FAI », ou au contraire « 305 000 € + 15 000 € d’honoraires à la charge de l’acquéreur », vous avez probablement senti qu’il y avait un enjeu… sans toujours être certain de ce que cela change pour vous.
Dans cet article, on fait le point ensemble, de façon très concrète : règles légales, usages du marché, impact sur les frais de notaire et stratégies de négociation. L’objectif est simple : que vous sachiez exactement comment tirer parti de ces frais, que vous soyez vendeur ou acheteur.
Ce que dit vraiment la loi sur les frais d’agence
Contrairement à une idée encore très répandue, la loi n’impose pas que ce soit le vendeur ou l’acheteur qui paie les frais d’agence. En réalité, elle encadre surtout :
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la transparence des honoraires ;
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le formalisme du mandat ;
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l’interdiction de commissionner sans mandat ni acte authentique.
Le texte de référence est la loi Hoguet (loi n°70-9 du 2 janvier 1970) et ses décrets d’application. Elle impose notamment :
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que l’agent immobilier intervienne avec un mandat écrit (généralement signé par le vendeur) ;
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que ses honoraires soient librement fixés mais clairement affichés (en agence, sur le site, sur les annonces) ;
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que la commission ne soit due qu’en cas de réalisation effective de la vente (signature de l’acte authentique).
Sur la question « qui paie ? », la loi laisse donc la main aux parties. C’est le mandat de vente qui précise qui est débiteur des honoraires :
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Honoraires à la charge du vendeur ;
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Honoraires à la charge de l’acquéreur ;
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ou, de façon plus rare, honoraires partagés.
Attention à une nuance importante : le client de l’agence est en principe le vendeur (c’est lui qui signe le mandat). Mais il est tout à fait légal de prévoir, contractuellement, que la rémunération sera à la charge de l’acheteur. C’est une subtilité juridique : le bénéficiaire du service n’est pas toujours celui qui supporte le coût.
FAI, HAI, net vendeur : bien décrypter les annonces
Les mentions présentes sur les annonces ne sont pas là par hasard. Elles conditionnent directement qui paie quoi et à partir de quelle base seront calculés les frais de notaire.
Les principaux termes à connaître :
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Prix FAI (Frais d’Agence Inclus) ou HAI (Honoraires d’Agence Inclus) : les honoraires sont intégrés dans le prix affiché. Suivant la mention légale, ils peuvent être à la charge du vendeur ou de l’acquéreur, mais le montant total affiché inclut tout.
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Net vendeur : c’est le montant qui revient effectivement au vendeur, hors frais d’agence. C’est souvent le chiffre qui intéresse le plus le vendeur… et le moins l’acheteur.
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Prix hors honoraires + mention « honoraires à la charge de l’acquéreur » : le prix affiché ne comprend pas la commission, qui sera ajoutée au prix au moment du compromis.
Sur le terrain, les agences sont tenues d’indiquer clairement, sur chaque annonce :
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le prix de vente ;
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si les honoraires sont à la charge du vendeur ou de l’acquéreur ;
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le montant TTC des honoraires ;
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le pourcentage que cette commission représente par rapport au prix.
Un exemple concret pour y voir clair :
Un appartement est affiché à 320 000 € FAI, dont 15 000 € d’honoraires.
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Si honoraires à la charge du vendeur : le vendeur touchera un net vendeur de 305 000 €. L’acheteur paiera des frais de notaire sur 320 000 €.
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Si honoraires à la charge de l’acquéreur : le prix hors honoraires est 305 000 €, les honoraires 15 000 €. L’acheteur paiera les frais de notaire sur 305 000 € uniquement (point très important, on y revient).
Qui paie « en pratique » : usages selon les marchés
En théorie, tout est possible. En pratique, certains usages dominent selon les types de biens, les marchés locaux et même les périodes.
Dans la plupart des villes et zones tendues, on observe :
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Biens résidentiels classiques (appartements, maisons) : majoritairement honoraires à la charge du vendeur, prix affiché « FAI ».
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Biens plus haut de gamme : on voit plus souvent des honoraires à la charge de l’acquéreur, notamment pour optimiser les frais de notaire et rendre le bien plus « compétitif » sur le papier.
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Investissement locatif : les acheteurs et agents raisonnent davantage en rendement net ; l’affichage « honoraires à la charge de l’acquéreur » est fréquent, car il permet de réduire les frais de notaire et donc le coût total d’acquisition.
Un détail qui a son importance : le choix « charge vendeur » ou « charge acquéreur » est souvent fait dès la prise de mandat, et non à la dernière minute au compromis. D’où l’intérêt, pour un vendeur, de bien se faire conseiller au moment de signer le mandat, plutôt que de subir l’usage local sans se poser de questions.
Impact sur les frais de notaire : le vrai levier économique
C’est là que les choses deviennent vraiment intéressantes d’un point de vue financier. La règle est la suivante :
Les frais de notaire sont calculés sur le prix acte, hors honoraires d’agence lorsqu’ils sont à la charge de l’acquéreur et mentionnés distinctement dans l’acte.
Concrètement :
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Si les honoraires sont à la charge du vendeur : les frais de notaire sont calculés sur le prix total FAI.
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Si les honoraires sont à la charge de l’acquéreur : les frais de notaire sont calculés sur le prix hors honoraires (le « prix net vendeur »), à condition que la ventilation soit clairement indiquée dans l’acte.
Illustration chiffrée :
Supposons un bien avec :
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Net vendeur : 300 000 € ;
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Honoraires d’agence : 15 000 € ;
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Prix FAI : 315 000 €.
En régime de droits d’enregistrement classiques, avec des « frais de notaire » d’environ 7,5–8 % :
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Honoraires à la charge du vendeur : frais de notaire sur 315 000 € → environ 24 000 €.
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Honoraires à la charge de l’acquéreur : frais de notaire sur 300 000 € seulement → environ 22 500–23 000 €.
Résultat : à prix net vendeur identique, l’acheteur peut économiser 1 000 à 1 500 € simplement en jouant sur la répartition des honoraires. Sur des prix plus élevés, l’écart devient très significatif.
À l’inverse, il est interdit de « gonfler » artificiellement les honoraires pour réduire la base taxable des droits d’enregistrement. Le fisc veille, et le notaire aussi : la rémunération de l’agence doit être cohérente avec le marché et correspondre à un service réel.
Charge vendeur ou charge acquéreur : intérêts respectifs
Vendeur et acheteur n’ont pas les mêmes priorités. Selon le camp dans lequel vous vous trouvez, la répartition des frais d’agence n’a pas les mêmes effets.
Pour le vendeur, les avantages potentiels d’une charge acquéreur :
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Un prix affiché hors honoraires plus bas, qui peut attirer davantage de visites, tout en conservant le même net vendeur.
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Une meilleure perception psychologique du prix par les acheteurs, notamment ceux qui consultent les annonces par fourchettes (par exemple : jusqu’à 300 000 € hors honoraires, mais qui acceptent de payer des honoraires en plus).
Pour l’acheteur, les avantages d’une charge acquéreur :
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Des frais de notaire réduits, donc un coût global d’acquisition plus faible à budget équivalent.
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La possibilité de mieux décomposer le coût du projet (prix du bien, honoraires d’agence, travaux, etc.).
En revanche, côté perception, un acheteur peut être tenté de se dire :
« Je paie déjà cher le bien, et en plus je dois sortir X milliers d’euros pour l’agence… »
C’est ici que le rôle de l’agent immobilier et la qualité de l’argumentaire prennent tout leur sens. Un professionnel assumera : oui, il y a des honoraires, mais en contrepartie, il sécurise la transaction, gère les diagnostics, le montage du dossier, la négociation, la relation avec le notaire… Ce service a une valeur, surtout sur les dossiers complexes.
Peut-on négocier les frais d’agence ?
La réponse est simple : oui, mais pas n’importe comment.
Les honoraires d’agence sont libres. Il est donc possible de :
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négocier le taux ou le montant fixe des honoraires ;
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négocier la répartition (charge vendeur / acquéreur) ;
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négocier un effort partagé entre vendeur et agence lorsque l’acheteur fait une offre un peu en dessous.
Exemple de situation fréquente sur le terrain :
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Prix affiché FAI : 320 000 € (net vendeur 305 000 €, honoraires 15 000 €).
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Offre de l’acheteur : 310 000 € FAI.
Trois configurations possibles :
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Le vendeur fait l’effort seul : il baisse son net à 295 000 €, l’agence garde sa commission de 15 000 €.
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L’agence fait l’effort seule : le vendeur reste à 305 000 €, l’agence réduit ses honoraires à 5 000 €.
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Effort partagé : par exemple, net vendeur à 300 000 € et honoraires à 10 000 €.
Dans la réalité, c’est souvent cette dernière solution qui sort gagnante : vendeur et agence préservent une partie de leurs intérêts, tout en rendant l’offre acceptable pour l’acheteur.
Du point de vue de l’acquéreur, il est généralement plus efficace de :
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formuler une offre globale FAI, plutôt que de discuter séparément prix du bien et honoraires ;
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laisser ensuite l’agent gérer, en interne, la répartition de l’effort avec le vendeur.
Du point de vue du vendeur, l’enjeu est de bien cadrer les choses dès le mandat :
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Fixer un barème d’honoraires réaliste, en cohérence avec le marché local ;
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Clarifier avec l’agent jusqu’où il est prêt à aller sur ses honoraires en cas d’offre basse ;
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Anticiper les scénarios de négociation au lieu de les découvrir dans l’urgence.
Cas particulier : mandat de recherche et honoraires à la charge exclusive de l’acheteur
On parle souvent des frais d’agence à la charge du vendeur, car c’est lui qui signe le mandat de vente. Mais il existe un autre montage, moins connu du grand public : le mandat de recherche, signé par l’acheteur.
Dans ce cas :
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l’acheteur mandate un professionnel pour trouver le bien qui lui correspond (type de bien, secteur, budget, etc.) ;
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l’agent est rémunéré exclusivement par l’acheteur, à la signature de l’acte authentique, si le bien trouvé correspond aux critères du mandat ;
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le vendeur, de son côté, peut vendre sans frais d’agence (ou avec son propre agent, dans le cadre d’une collaboration).
Ce schéma est intéressant lorsque :
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le marché est très tendu et l’acheteur veut se donner un avantage (accès à des biens off market, visites en avant-première, etc.) ;
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l’acheteur manque de temps ou de connaissances techniques pour trier les annonces, analyser les diagnostics, vérifier les copropriétés ;
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un investisseur souhaite s’appuyer sur un pro pour optimiser le rapport qualité/prix/rendement du bien trouvé.
Dans ce cadre, la question « qui paie les frais d’agence ? » devient très simple : c’est l’acheteurdevoir de conseil renforcé de la part du professionnel mandaté.
Erreurs fréquentes à éviter sur les frais d’agence
Que vous soyez vendeur ou acheteur, quelques pièges reviennent régulièrement dans les dossiers :
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Penser que « charge acquéreur » ou « charge vendeur » change le net vendeur. Ce n’est pas le cas en soi : c’est surtout une question de présentation et d’impact sur les frais de notaire. Le net vendeur dépend du prix négocié, pas de la ligne sur laquelle on met les honoraires.
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Signaler tardivement un changement de répartition. Modifier la charge des honoraires à la dernière minute, au stade de l’acte authentique, peut compliquer le travail du notaire, voire créer des incompréhensions entre les parties. Mieux vaut verrouiller ce point dès le compromis ou la promesse.
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Accepter une annonce peu claire. Si vous vendez, exigez que les mentions « net vendeur », « honoraires », « charge vendeur/acquéreur » soient parfaitement explicites. Si vous achetez, n’hésitez pas à demander le détail par écrit avant de faire une offre.
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Comparer des prix sans tenir compte des honoraires. Un bien à 300 000 € HAI charge acquéreur peut, au final, vous coûter moins cher en frais de notaire qu’un bien à 295 000 € FAI charge vendeur. Toujours raisonner en coût global, pas seulement en prix affiché.
Comment utiliser intelligemment les frais d’agence dans votre stratégie de négociation
Au lieu de subir la ligne « honoraires », il est possible d’en faire un véritable levier stratégique.
En tant que vendeur :
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Vous pouvez choisir un mandat avec honoraires à la charge de l’acquéreur pour :
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rendre votre annonce plus visible dans certaines tranches de prix ;
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permettre à l’acheteur de réduire ses frais de notaire, ce qui peut élargir sa capacité de financement.
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Vous pouvez, en cas d’offre un peu basse, proposer à l’acheteur :
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soit une légère baisse du net vendeur ;
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soit une modification de la répartition des honoraires (par exemple, basculer en charge acquéreur) pour limiter l’impact sur son coût global.
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En tant qu’acheteur :
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Vous pouvez demander clairement, dès la visite :
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« Les honoraires sont à la charge de qui ? » ;
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« Quel est le net vendeur ? » ;
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« Sur quelle base seront calculés les frais de notaire ? ».
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Vous pouvez intégrer les honoraires dans votre stratégie d’offre :
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en formulant un prix global FAI adapté à votre budget ;
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en laissant à l’agent le soin de gérer la répartition de l’effort entre lui et le vendeur ;
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en jouant, si possible, sur une bascule en charge acquéreur pour réduire vos frais de notaire.
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Dans un marché où chaque euro compte de plus en plus, comprendre précisément qui paie quoi, pourquoi, et avec quel impact n’est plus un luxe. C’est un outil de pilotage indispensable pour optimiser une vente ou un achat.
Les frais d’agence ne sont pas qu’une ligne agaçante au milieu d’un compromis : ce sont aussi un levier de négociation, de présentation du bien et d’optimisation fiscale. Bien utilisés, ils peuvent faire la différence entre une transaction qui bloque et une vente qui se signe dans de bonnes conditions pour tout le monde.
