Promesse de vente ou compromis : pourquoi cette différence est si importante ?
Promesse de vente, compromis de vente… Dans le langage courant, les deux termes sont souvent utilisés comme s’ils étaient interchangeables. Pourtant, juridiquement, ils ne recouvrent pas du tout la même réalité. Et pour un acheteur comme pour un vendeur, choisir l’un ou l’autre n’a pas les mêmes effets, ni les mêmes risques.
En tant que professionnel de terrain, je vois régulièrement des vendeurs qui signent une promesse sans vraiment mesurer à quel point ils se retrouvent « engagés »… ou des acheteurs qui se pensent protégés, alors que le contrat qu’ils ont signé ne leur laisse quasiment aucune porte de sortie.
On va donc prendre le temps de faire le tri, clairement, sans jargon inutile, mais sans rien simplifier à l’excès. Promesse de vente ou compromis : quelles différences juridiques ? Quels sont les risques pour chacun ? Comment bien se protéger, que vous soyez acheteur ou vendeur ?
Promesse de vente : le vendeur s’engage, l’acheteur a une option
La promesse de vente (souvent appelée « promesse unilatérale de vente ») est, comme son nom l’indique, un engagement… unilatéral. C’est le vendeur qui s’engage à vendre son bien à un prix déterminé, à un bénéficiaire identifié (l’acheteur), pendant une durée limitée.
L’acheteur, lui, n’est pas obligé d’acheter. Il dispose d’une « option » : il peut lever l’option (et acheter) ou renoncer (et ne pas acheter), dans le délai prévu.
Concrètement, une promesse de vente, c’est donc :
- un vendeur qui promet de vendre son bien à un prix déterminé,
- un acheteur potentiel qui a le droit, mais pas l’obligation, d’acheter,
- un délai pendant lequel le bien est « réservé » à cet acheteur.
Pendant toute la durée de validité de la promesse, le vendeur ne peut pas vendre à quelqu’un d’autre, même si une meilleure offre arrive. C’est un engagement fort de sa part.
Compromis de vente : un engagement réciproque
Le compromis de vente (ou « promesse synallagmatique de vente ») est tout autre chose : dans ce cas, les deux parties s’engagent réciproquement.
Le vendeur s’engage à vendre, l’acheteur s’engage à acheter. Juridiquement, le compromis vaut vente, sous réserve de la réalisation des conditions suspensives (par exemple, l’obtention du prêt).
En cas de compromis signé :
- vous êtes vendeur : vous ne pouvez plus revenir en arrière librement,
- vous êtes acheteur : vous êtes engagé à acheter si les conditions sont remplies.
On est donc dans un contrat nettement plus « ferme » que la promesse unilatérale, même si des sécurités existent pour chacune des parties (notamment via les conditions suspensives et le délai de rétractation).
Indemnité d’immobilisation vs dépôt de garantie : ce qui est en jeu financièrement
Autre point souvent mal compris : l’argent versé à la signature. Selon qu’on est sur une promesse ou un compromis, la logique n’est plus la même.
Dans une promesse de vente : l’indemnité d’immobilisation
Dans la majorité des promesses de vente, l’acheteur verse une indemnité d’immobilisation, généralement autour de 5 à 10 % du prix de vente.
Pourquoi ce nom ? Parce que cette somme indemnise le vendeur pour le fait qu’il « immobilise » son bien pendant la durée de la promesse et qu’il s’interdit de le vendre à quelqu’un d’autre.
- Si l’acheteur lève l’option et achète : l’indemnité vient en déduction du prix de vente.
- Si l’acheteur renonce sans motif légitime (et hors délai de rétractation) : le vendeur peut conserver l’indemnité.
- Si une condition suspensive ne se réalise pas (par exemple, pas de prêt) : l’indemnité doit être restituée à l’acheteur.
Dans un compromis : le dépôt de garantie
Dans un compromis, on parle généralement de dépôt de garantie. Le fonctionnement est proche, mais l’esprit est légèrement différent : le dépôt de garantie illustre l’engagement réciproque des parties.
- Si la vente se réalise : le dépôt est imputé sur le prix de vente.
- Si la vente ne se réalise pas du fait de l’acheteur (hors cas de conditions suspensives ou rétractation légale) : le vendeur pourra prétendre à des dommages-intérêts, souvent fixés contractuellement à un montant équivalent au dépôt.
- Si la vente échoue légitimement (condition suspensive non réalisée, par exemple) : le dépôt est restitué à l’acheteur.
Dans les faits, que ce soit indemnité d’immobilisation ou dépôt de garantie, on tourne souvent autour de 5 à 10 % du prix, et ils sont tous deux bloqués sur le compte séquestre du notaire ou de l’agent immobilier.
Délai de rétractation : un droit essentiel pour l’acheteur
Que l’on signe une promesse ou un compromis, l’acheteur non professionnel bénéficie d’un délai de rétractation de 10 jours (article L271-1 du Code de la construction et de l’habitation).
Ce délai court à partir du lendemain de la remise d’un exemplaire signé de l’avant-contrat (remis en main propre, ou de la première présentation de la lettre recommandée notifiant le contrat).
- Pendant ces 10 jours, l’acheteur peut se désister librement, sans avoir à se justifier.
- Aucune pénalité ne peut lui être demandée.
- Les sommes éventuellement versées doivent lui être intégralement remboursées.
C’est une protection forte pour l’acheteur, souvent sous-estimée. En pratique, cela lui permet de « se retourner » : vérifier son financement, revoir sa stratégie, ou simplement se donner le temps de s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un achat impulsif.
Conditions suspensives : la vraie ceinture de sécurité du contrat
Si le délai de rétractation est un parachute, les conditions suspensives sont votre ceinture de sécurité. C’est dans ces clauses que se joue une grande partie de la protection de l’acheteur – mais aussi du vendeur, si elles sont mal rédigées.
La condition suspensive d’obtention de prêt
Dans l’immense majorité des ventes, le contrat est soumis à la condition que l’acheteur obtienne son prêt immobilier. C’est même obligatoire dès lors que l’acheteur déclare recourir à un crédit.
Concrètement :
- Si la banque refuse le prêt (et que l’acheteur peut le justifier), la vente est annulée de plein droit.
- L’acheteur récupère l’intégralité des sommes versées.
- Le vendeur ne peut pas demander de pénalités.
La vigilance porte sur les paramètres du prêt (montant, taux maximal, durée, nombre de demandes de prêt à effectuer, délai pour déposer les dossiers). Des critères trop stricts peuvent jouer contre le vendeur, trop vagues peuvent fragiliser l’acheteur.
Autres conditions fréquentes
Selon le dossier, on peut ajouter des conditions suspensives spécifiques, par exemple :
- Obtention d’un permis de construire ou d’une autorisation d’urbanisme (pour un projet d’extension, une division parcellaire, etc.).
- Absence de servitudes ou de préemptions particulières (par une commune, un établissement public foncier, etc.).
- Vente préalable d’un autre bien par l’acheteur (plus risquée pour le vendeur).
Ce n’est pas parce que « c’est dans le contrat » que c’est anodin : chaque condition doit être pesée, chiffrée dans le temps, et rédigée clairement. Un flou peut créer un contentieux, voire bloquer une vente pendant des mois.
Risques pour le vendeur : immobilisation, perte de temps, contentieux
Côté vendeur, on pourrait se dire : « Promesse ou compromis, peu importe du moment que j’ai un acheteur sérieux. » En réalité, le type de contrat influence directement vos risques.
Avec une promesse de vente
- Votre bien est immobilisé au profit d’un acheteur qui n’est pas encore engagé à acheter.
- Vous ne pouvez pas accepter une autre offre, même plus intéressante, tant que l’option n’est pas expirée.
- Si l’acheteur renonce en fin de parcours, vous avez certes l’indemnité d’immobilisation (sauf conditions suspensives), mais vous avez perdu du temps sur la commercialisation.
La promesse est souvent intéressante pour un vendeur dans un marché où les acheteurs sont rares, ou lorsque l’acheteur a besoin de sécuriser certains points avant de s’engager pleinement (revente de son bien, autorisations d’urbanisme, etc.).
Avec un compromis de vente
- L’acheteur est engagé à acheter si les conditions suspensives se réalisent.
- Vous avez une meilleure visibilité sur l’aboutissement de la vente.
- En cas de défaillance injustifiée de l’acheteur, vous pouvez demander l’exécution forcée ou des dommages-intérêts (selon les clauses du contrat et la stratégie choisie avec votre notaire).
Le compromis est souvent perçu comme plus sécurisant pour le vendeur, car l’engagement est réciproque. Cependant, il n’empêche pas un échec de la vente si, par exemple, aucun prêt n’est accordé ou si une condition suspensive essentielle ne se réalise pas.
Risques pour l’acheteur : argent bloqué, pénalités, difficultés de financement
Pour l’acheteur, le principal risque est de s’engager au-delà de ce que sa situation financière lui permet réellement, ou de signer un contrat mal sécurisé.
- Un montant d’indemnité ou de dépôt trop élevé rend la renonciation très coûteuse.
- Des délais trop courts pour obtenir l’offre de prêt augmentent la pression et le risque de refus de la banque.
- Des conditions suspensives incomplètes ou mal rédigées peuvent le laisser piégé dans un achat qu’il ne souhaite plus ou ne peut plus assumer.
Autre point : la tentation parfois de « minimiser » le recours au crédit pour rassurer le vendeur (« ne vous inquiétez pas, je suis largement finançable ») et de renoncer à la condition suspensive de prêt. Mauvaise idée. En cas d’imprévu côté banque, vous seriez engagé à acheter, avec à la clé un contentieux presque inévitable.
Signé sous seing privé ou chez le notaire : une différence seulement formelle ?
Promesse comme compromis peuvent être signés :
- sous seing privé (directement entre parties, parfois via une agence),
- ou par acte authentique devant notaire.
Pour le compromis, les deux formats sont possibles sans formalité particulière.
Pour la promesse unilatérale de vente, il existe une exigence importante : si elle est signée sous seing privé, elle doit être enregistrée auprès des services fiscaux dans les 10 jours. Si ce n’est pas fait, la promesse est nulle. En pratique, passer par un notaire permet d’éviter ce type de faux pas.
Au-delà de l’enregistrement, l’avantage du notaire est aussi rédactionnel : chaque promesse ou compromis est adapté à la situation réelle (copropriété, servitudes, urbanisme, diagnostics, etc.), ce qui limite les zones grises et les litiges futurs.
Promesse ou compromis : comment choisir selon votre situation ?
Plutôt que de raisonner en théorie, posons la question comme le ferait un vendeur ou un acheteur devant son notaire.
Vous êtes vendeur
La promesse sera souvent adaptée si :
- vous acceptez d’immobiliser votre bien pendant un certain temps pour laisser de la visibilité à l’acheteur,
- le projet comporte des aléas techniques ou administratifs (division, changement de destination, permis de construire),
- vous avez une forte demande sur votre secteur, et une indemnité d’immobilisation significative vous protège en partie contre une renonciation tardive.
Le compromis sera plutôt à privilégier si :
- vous souhaitez un engagement fort de l’acheteur,
- le dossier est « simple » (vente classique, financement standard),
- vous voulez maximiser vos chances d’aller jusqu’à l’acte authentique sans mauvaise surprise.
Vous êtes acheteur
La promesse peut être intéressante si :
- vous avez besoin de temps pour finaliser un financement complexe (montage patrimonial, prêt relais + prêt amortissable, etc.),
- vous devez vérifier la faisabilité d’un projet (extension, piscine, changement d’usage),
- vous voulez limiter votre engagement initial, tout en ayant une priorité sur le bien.
Le compromis est cohérent si :
- vous êtes déjà avancé sur votre financement,
- vous êtes sûr de votre projet et de votre capacité à acheter,
- le bien ne présente pas de complexité juridique ou urbanistique particulière.
Dans la pratique, sur le marché résidentiel classique, le compromis de vente reste majoritaire. La promesse est plus fréquente dans certains montages spécifiques, dans l’investissement, ou lorsque l’une des parties veut laisser du temps à l’autre pour lever des incertitudes.
Comment se protéger concrètement en tant qu’acheteur ou vendeur ?
Au-delà du choix promesse/compromis, ce sont les détails de l’avant-contrat qui font la différence.
Pour l’acheteur
- Vérifiez que la clause de financement est bien présente, avec des paramètres réalistes (taux, durée, montant, nombre de demandes de prêt).
- Assurez-vous de disposer des diagnostics et informations obligatoires (DPE, amiante, plomb, termites, état des risques, superficie, règlement de copropriété, PV d’AG, etc.).
- Demandez, si nécessaire, une condition suspensive liée à la faisabilité de votre projet (urbanisme, travaux, changement d’usage).
- Prenez le temps, pendant le délai de rétractation, de revalider votre budget et votre plan de financement.
Pour le vendeur
- Soignez la rédaction des conditions suspensives, pour éviter qu’elles ne deviennent des portes de sortie trop larges ou trop floues.
- Vérifiez le sérieux du financement de l’acheteur (apports, pré-accord bancaire, situation professionnelle).
- Fixez des délais raisonnables mais fermes pour l’obtention de l’offre de prêt et la signature de l’acte authentique.
- N’hésitez pas à privilégier l’acte authentique chez le notaire pour la promesse, afin d’éviter les problèmes de forme (enregistrement) et de fond (clauses imprécises).
Dans tous les cas, acheteur comme vendeur ont intérêt à ne pas considérer l’avant-contrat comme une simple formalité. C’est là que tout se joue : ce document fixe le cadre, les droits, les obligations, et les issues possibles si le projet ne va pas au bout.
En résumé : deux outils juridiques, deux logiques d’engagement
Promesse de vente et compromis de vente sont deux instruments juridiques puissants, mais ils ne servent pas exactement la même stratégie :
- La promesse donne une option à l’acheteur et immobilise le bien pour une durée déterminée. Le vendeur est engagé, l’acheteur l’est moins – tant qu’il n’a pas levé l’option.
- Le compromis consacre un engagement réciproque : sauf réalisation négative d’une condition suspensive ou exercice du délai de rétractation, il mène normalement à la vente.
Ni l’un ni l’autre n’est « meilleur » en soi. Tout dépend du contexte du projet, du niveau de certitude de chacun, de la situation du marché, et des sécurités que vous intégrez dans le contrat.
L’essentiel est de comprendre ce que vous signez, pourquoi vous le signez, et dans quelles conditions vous pouvez, ou non, revenir en arrière. C’est précisément là que l’accompagnement par un notaire – et, idéalement, par un professionnel de l’immobilier qui connaît bien le terrain local – prend tout son sens.

