Location meublée et location nue en 2025 : deux cadres juridiques distincts
En 2025, le choix entre location meublée et location nue reste l’un des arbitrages majeurs pour les propriétaires bailleurs. Au-delà d’une simple question d’ameublement, ces deux régimes renvoient à des statuts juridiques, fiscaux et économiques très différents, avec des impacts significatifs sur la rentabilité nette, la gestion quotidienne et la stratégie patrimoniale.
La location nue est régie principalement par la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. Elle prévoit un bail d’une durée minimale de trois ans lorsque le bailleur est une personne physique, reconductible tacitement, avec un encadrement précis des motifs et des délais de congé. Le logement doit être « décent » au sens du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 et respecter les normes de sécurité et de salubrité.
La location meublée, quant à elle, relève du même socle législatif pour les rapports locatifs, mais avec des spécificités issues notamment de la loi ALUR (loi n° 2014-366 du 24 mars 2014) qui a redéfini le bail meublé d’habitation principale. La durée minimale du bail est d’un an (ou neuf mois pour les étudiants), et la notion de logement meublé a été précisée par le décret n° 2015-981 du 31 juillet 2015 fixant la liste des éléments de mobilier indispensables. Ce cadre juridique plus flexible, combiné à un régime fiscal distinct, explique en grande partie l’attrait de la location meublée pour les investisseurs.
Fiscalité de la location nue en 2025 : revenus fonciers et régimes applicables
En location nue, les loyers encaissés sont imposés dans la catégorie des revenus fonciers, conformément aux dispositions du Code général des impôts (CGI), et notamment des articles 14 et suivants. En 2025, deux régimes principaux coexistent : le régime micro-foncier et le régime réel.
Le régime micro-foncier s’applique de plein droit lorsque le montant brut annuel des loyers (hors charges récupérables) ne dépasse pas 15 000 euros. Dans ce cas, le bailleur bénéficie d’un abattement forfaitaire de 30 % sur ses recettes, censé couvrir l’ensemble des charges. Le revenu foncier imposable correspond donc à 70 % des loyers perçus, intégrés au revenu global soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu, avec en sus les prélèvements sociaux (17,2 % en l’état du droit à la date de rédaction).
Le régime réel devient obligatoire au-delà de 15 000 euros de loyers, ou peut être choisi sur option lorsque cela est plus favorable. Ce régime permet de déduire les charges réelles : intérêts d’emprunt, travaux d’entretien et de réparation, primes d’assurance, taxe foncière (hors ordures ménagères récupérables), frais de gestion et de syndic, et certains frais de procédure. Les articles 31 et suivants du CGI encadrent ces déductions. En cas de déficit foncier (hors intérêts d’emprunt), celui-ci est imputable sur le revenu global dans la limite de 10 700 euros par an, le solde étant reportable sur les revenus fonciers des dix années suivantes.
Ce mécanisme du déficit foncier fait de la location nue un outil prisé des contribuables fortement imposés, notamment lorsque des travaux lourds de rénovation ou de mise aux normes sont engagés. En revanche, l’absence d’amortissement du bien immobilier lui-même limite l’optimisation fiscale à moyen et long terme, en particulier dans un contexte où les prix de l’immobilier et les coûts de rénovation énergétique demeurent élevés.
Location meublée en 2025 : statut LMNP, LMP et logique de revenus BIC
La location meublée relève, sur le plan fiscal, du régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), et non des revenus fonciers. Les textes de référence sont principalement les articles 34 et 35 du CGI, complétés par les dispositions spécifiques relatives au loueur en meublé non professionnel (LMNP) et professionnel (LMP).
En 2025, un bailleur est considéré comme loueur en meublé professionnel si deux conditions cumulatives sont remplies, sur la base des critères fixés par le CGI et la jurisprudence récente : le montant annuel des recettes tirées de la location meublée excède 23 000 euros TTC, et ces recettes sont supérieures aux autres revenus d’activité du foyer fiscal. À défaut, le bailleur est en statut LMNP.
Le statut LMNP reste la situation la plus courante pour les particuliers. Il ouvre droit, comme pour la location nue, à un régime micro-BIC ou à un régime réel. Le micro-BIC est applicable lorsque les recettes annuelles n’excèdent pas un certain seuil (généralement 77 700 euros pour les locations meublées classiques, seuil susceptible d’être actualisé). Ce régime offre un abattement forfaitaire de 50 % pour frais, avec un minimum d’abattement fixé par la loi. Pour les locations meublées de tourisme classé et chambres d’hôtes, l’abattement est relevé à 71 %, sous conditions spécifiques.
Le régime réel en location meublée permet la déduction des charges effectivement supportées, mais surtout l’amortissement du bien immobilier (hors valeur du terrain), du mobilier et des équipements. Cette possibilité d’amortissement, encadrée par les règles comptables et fiscales des BIC, est l’un des atouts majeurs du meublé. Dans de nombreux cas, elle permet de neutraliser totalement le résultat fiscal, voire de dégager un résultat quasi nul pendant plusieurs années, tout en percevant des flux de trésorerie positifs.
Pour les loueurs professionnels (LMP), les déficits BIC sont imputables sur le revenu global sans limitation de montant, sous réserve de respecter les règles ordinaires d’imputation. En matière de plus-values, le LMP relève du régime des plus-values professionnelles, avec la possibilité d’exonérations sous conditions de durée de détention et de niveau de recettes (notamment au titre de l’article 151 septies du CGI). Le LMNP, lui, reste soumis au régime des plus-values privées prévu aux articles 150 U et suivants du CGI, avec l’abattement pour durée de détention aboutissant à une exonération totale d’impôt sur le revenu au bout de 22 ans, et de prélèvements sociaux après 30 ans.
Rentabilité brute et nette : comparer meublé et nu en 2025
Sur le terrain, la location meublée affiche le plus souvent une rentabilité brute supérieure, en raison de loyers plus élevés à surface équivalente. Les écarts varient selon les marchés : en zone tendue, un meublé peut se louer de 10 à 30 % plus cher qu’un logement vide, parfois davantage dans les quartiers prisés par les étudiants et les jeunes actifs. Cette prime de loyer est toutefois à mettre en regard du coût d’acquisition ou de renouvellement du mobilier, des équipements électroménagers et de l’usure plus rapide induite par un turn-over locatif généralement plus élevé.
La rentabilité nette, c’est-à-dire celle qui tient compte de la fiscalité, met souvent en évidence un avantage significatif en faveur de la location meublée au régime réel, notamment en LMNP. L’amortissement du bien et du mobilier réduit voire annule la base imposable, ce qui diminue l’impact de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux. En location nue, en dehors des situations de travaux massifs générant du déficit foncier, les loyers restent plus fortement taxés, surtout pour les propriétaires relevant des tranches supérieures du barème.
En revanche, la location nue offre une stabilité plus grande sur la durée d’occupation. Les baux de trois ans, la clientèle familiale et la moindre mobilité des locataires réduisent les périodes de vacance locative et les frais associés (recherche de locataires, états des lieux, rafraîchissement du logement). Dans certaines villes de taille moyenne, cet aspect peut rééquilibrer la comparaison de rentabilité, en particulier si le marché du meublé est étroit ou saturé.
Cadre réglementaire, risques et contraintes en 2025
Le choix entre meublé et nu ne se limite pas à un calcul fiscal ou de rendement. En 2025, les propriétaires doivent intégrer un environnement réglementaire en constante évolution, notamment en matière de performance énergétique, d’encadrement des loyers et de régulation des locations de courte durée.
La performance énergétique minimale exigée pour louer un logement se durcit, conformément à la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 dite « Climat et Résilience ». Les logements classés G les plus énergivores sont progressivement frappés d’interdictions de mise en location, et les classes F et E suivront selon un calendrier étalé dans le temps. Ces règles concernent aussi bien la location nue que la location meublée, mais leur impact peut être plus sensible sur les modèles économiques à forte rotation, comme le meublé urbain ou les locations de courte durée, qui reposent sur un positionnement prix élevé.
Dans certaines grandes villes soumises à l’encadrement des loyers (Paris, Lille, Lyon, Bordeaux, Montpellier, entre autres), le loyer des locations meublées est plafonné par des références majorées spécifiques, à l’instar des locations nues. Le bailleur doit intégrer ces limites dans son business plan, sous peine de sanctions et de restitution de trop-perçus au locataire. De plus, les collectivités renforcent le contrôle des changements d’usage des logements et des locations type Airbnb, ce qui peut restreindre certaines stratégies de meublé touristique ou de moyenne durée.
Choix stratégique pour les bailleurs : profils, objectifs et horizon de détention
En 2025, la décision d’opter pour la location meublée ou la location nue doit être alignée sur le profil du propriétaire et sur ses objectifs à court, moyen et long terme. Un investisseur à la recherche de revenus complémentaires immédiats, disposé à suivre une gestion plus active et à accepter une rotation plus fréquente des locataires, trouvera souvent dans la location meublée au régime réel LMNP un équilibre attractif entre rentabilité nette et optimisation fiscale.
À l’inverse, un propriétaire qui privilégie la tranquillité de gestion, une relation locative de long terme et la valorisation patrimoniale dans la durée pourra s’orienter vers la location nue, en particulier s’il envisage d’importants travaux de rénovation énergétique susceptibles de générer du déficit foncier. Ce schéma convient notamment aux ménages fortement imposés qui cherchent à réduire leur revenu global imposable tout en sécurisant un actif transmissible à leurs héritiers.
La dimension patrimoniale ne doit pas être sous-estimée. En location nue comme en meublé, la fiscalité des plus-values, les droits de mutation, les stratégies de démembrement de propriété ou d’apport en société (SCI soumise à l’IR ou à l’IS, SARL de famille, etc.) influencent la cohérence globale du projet. La location meublée dans le cadre d’une structure à l’IS peut par exemple amplifier l’effet des amortissements, mais au prix d’une imposition différente lors de la sortie, sur la valeur de marché de l’immeuble comptablement amorti.
Pour un propriétaire bailleur, la démarche la plus pertinente reste d’effectuer une simulation globale intégrant prix d’achat, financement, fiscalité à l’entrée, pendant la phase d’exploitation et à la revente, ainsi que les scénarios de travaux à venir. L’arbitrage entre meublé et nu ne se résume pas à l’exercice fiscal de l’année en cours, mais à une vision d’ensemble du cycle de détention et de la place du bien dans le patrimoine global.
En 2025, dans un univers où les normes environnementales se renforcent, où les règles fiscales peuvent évoluer et où les marchés locatifs se segmentent davantage entre villes et territoires, la capacité du bailleur à rester agile, informé et à ajuster sa stratégie (changement de régime fiscal, passage du nu au meublé, voire inversement) devient un véritable enjeu de pilotage de son investissement immobilier.
Stéphane Eclair
