Vous avez signé un mandat de vente avec une agence immobilière… et vous souhaitez y mettre fin ? Changement de projet, relation qui ne fonctionne pas, prix mal positionné, manque de retours : les raisons ne manquent pas. Mais attention, on ne rompt pas un mandat de vente comme on change de chemise. Le cadre légal est précis, les délais stricts, et la lettre de résiliation doit être soigneusement rédigée.
Dans cet article, je vous propose un tour d’horizon complet : ce que dit la loi, les différentes situations possibles, les délais à respecter, et un modèle de lettre de résiliation commenté pour vous éviter les faux pas.
Ce qu’est (vraiment) un mandat de vente et pourquoi il ne se résilie pas n’importe comment
Le mandat de vente est un contrat écrit par lequel vous confiez à un professionnel de l’immobilier (l’agent) la mission de vendre votre bien. Il est encadré par la loi Hoguet (loi n°70-9 du 2 janvier 1970) et son décret d’application.
Sans mandat écrit, signé et numéroté, l’agent immobilier n’a légalement pas le droit de commercialiser votre bien ni de percevoir une rémunération. C’est donc un document central.
Dans ce mandat, on trouve notamment :
- Le type de mandat (simple, exclusif, semi-exclusif…)
- Le prix de vente et les conditions financières (honoraires, qui les paie, etc.)
- La durée de l’engagement (généralement 3 mois minimum dans les mandats exclusifs)
- Les modalités de résiliation ou de non-renouvellement
Résilier un mandat de vente, ce n’est pas « se désinscrire d’une newsletter » : c’est mettre fin à un contrat encadré par le droit. Et selon le moment où vous agissez (en période initiale, après la période d’irrévocabilité, en tacite reconduction…), les règles ne sont pas les mêmes.
Les différents types de mandat et leurs impacts sur la résiliation
Avant de parler lettre de résiliation, il faut bien comprendre dans quel type de mandat vous vous situez, car cela change la stratégie.
Le mandat simple
Vous pouvez confier la vente à plusieurs agences et même chercher un acquéreur par vous-même.
- Plus de liberté pour vous
- Image parfois moins « premium » du bien (présent partout, pas toujours au même prix)
- Résiliation et non-renouvellement en général plus souples
Le mandat exclusif
Une seule agence est autorisée à commercialiser votre bien pendant la durée du mandat.
- Engagement plus fort de l’agence (marketing, suivi, compte-rendus…)
- Meilleure maîtrise de l’image du bien sur le marché
- Résiliation plus encadrée, avec une période irrévocable fréquente (souvent 3 mois)
En pratique, c’est souvent sur les mandats exclusifs que surviennent les questions de résiliation, car le vendeur se sent « coincé » si la relation avec l’agent se tend.
Le cadre légal de la résiliation d’un mandat de vente
Plusieurs textes s’appliquent, notamment :
- La loi Hoguet et son décret
- Le Code de la consommation en cas de démarchage à domicile ou à distance
- Les clauses contractuelles figurant dans votre mandat
Quelques points-clés à retenir.
1. Droit de rétractation de 14 jours (si mandat signé hors agence)
Si vous avez signé le mandat :
- À votre domicile
- Sur votre lieu de travail
- Ou à distance (par internet, courrier, signature électronique…)
Vous bénéficiez en principe d’un délai de rétractation de 14 jours (article L221-18 du Code de la consommation).
Dans ce cas, vous n’avez pas besoin de « résilier » au sens strict. Vous exercez votre droit de rétractation, sans justification, via un formulaire spécifique ou une lettre claire envoyée dans le délai.
2. Durée du mandat et période d’irrévocabilité
La plupart des mandats de vente prévoient :
- Une durée déterminée (3 mois, 6 mois, etc.)
- Une période initiale dite « irrévocable » (ex. : 3 mois), pendant laquelle vous ne pouvez pas résilier de manière anticipée, sauf cas particulier (faute grave de l’agent, par exemple)
Une fois cette période initiale passée, le mandat :
- Soit prend fin automatiquement à la date prévue
- Soit se poursuit par tacite reconduction pour des périodes successives (souvent par mois ou par trimestre), sauf dénonciation par l’une des parties avec respect d’un préavis
3. Résiliation après la période initiale
Après la période d’irrévocabilité, vous pouvez généralement résilier le mandat en respectant :
- Le délai de préavis indiqué (souvent 15 jours, parfois 1 mois)
- Les modalités formelles : lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) adressée à l’agence
Ce sont les petites lignes du mandat qui font foi. D’où l’importance de relire attentivement le document avant d’envoyer votre lettre.
Les délais à respecter pour résilier un mandat de vente
Les délais sont au cœur du sujet. Une résiliation mal calée dans le temps peut vous laisser engagé plus longtemps que prévu… ou entraîner des litiges, par exemple si l’agent revendique une commission après la fin du mandat.
Cas n°1 : exercice du droit de rétractation (14 jours)
Délai : 14 jours à compter du lendemain de la signature du mandat.
Si vous êtes dans ce cas, la marche à suivre est simple :
- Utiliser le formulaire de rétractation joint au mandat (souvent en annexe)
- Ou envoyer une lettre claire indiquant que vous exercez votre droit de rétractation
- Respecter scrupuleusement le délai (cachet de la Poste faisant foi)
Cas n°2 : résiliation après la période initiale
Exemple classique : mandat exclusif de 3 mois, renouvelable par tacite reconduction.
On peut trouver dans le mandat une clause du type :
« À l’issue de la période initiale de 3 mois, le présent mandat se poursuivra par tacite reconduction, par périodes d’un mois, sauf dénonciation par l’une ou l’autre des parties par lettre recommandée avec accusé de réception, moyennant un préavis de 15 jours. »
Ce que cela signifie :
- Vous ne pouvez rien faire pendant les 3 premiers mois (sauf accord amiable ou faute grave)
- Passé ces 3 mois, vous pouvez envoyer une LRAR à tout moment
- La résiliation prendra effet à l’expiration du délai de préavis (ex. 15 jours) à compter de la réception de la lettre
Cas n°3 : non-renouvellement à l’échéance
Dans certains mandats, il n’est pas prévu de tacite reconduction longue, mais une durée fixe, par exemple 3 mois non renouvelables, ou renouvelables une seule fois, de manière expresse.
Dans ce cas, vous pouvez :
- Décider de ne pas renouveler le mandat à son échéance
- Informer l’agent immobilier par LRAR quelques jours ou semaines avant l’échéance (par prudence)
Cas n°4 : résiliation pour faute grave de l’agent
Non-respect de ses obligations (ex. : publicité mensongère, absence totale d’actions, manquements répétés à la déontologie…) : dans certains cas, vous pouvez envisager une résiliation anticipée pour faute. C’est une situation plus délicate, souvent source de litiges.
Dans ce scénario, il est recommandé de :
- Conserver toutes les preuves (mails, annonces, comptes-rendus inexistants…)
- Mettre en demeure l’agent de respecter ses obligations avant de résilier
- Envisager, si nécessaire, un conseil juridique (avocat, ADIL, etc.)
Lettre de résiliation de mandat de vente : les mentions indispensables
Passons au concret. Une lettre de résiliation (ou de non-renouvellement) de mandat de vente doit être :
- Claire : l’objet doit être explicite
- Précise : référence au mandat, dates, délais
- Respectueuse : pas besoin d’envenimer la relation, même si vous êtes déçu
Les éléments à intégrer systématiquement :
- Vos coordonnées complètes (nom, prénom, adresse)
- Les coordonnées de l’agence
- L’intitulé du mandat : numéro, date de signature, nature (simple, exclusif…)
- L’adresse du bien concerné
- La demande explicite de résiliation ou de non-renouvellement
- La date souhaitée de fin d’effet (en tenant compte du préavis légal ou contractuel)
- Le mode d’envoi : toujours en lettre recommandée avec accusé de réception
Astuce : joignez, si possible, une copie du mandat en annexe à votre courrier. Cela facilite le traitement par l’agence et limite les risques de contestation.
Modèle de lettre de résiliation de mandat de vente (commenté)
Voici un modèle que vous pouvez adapter à votre situation. Le texte brut est suivi de commentaires pour bien comprendre chaque passage.
Modèle de lettre
Nom Prénom
Adresse complète
Code postal – Ville
À
Nom de l’agence immobilière
Adresse complète
Code postal – Ville
Lieu, le [date]
Lettre recommandée avec accusé de réception
Objet : Résiliation du mandat de vente n° [référence du mandat] concernant le bien situé [adresse complète du bien]
Madame, Monsieur,
Je suis titulaire d’un mandat de vente [simple/exclusif] n° [référence du mandat], signé le [date de signature], vous confiant la commercialisation de mon bien situé [adresse complète du bien].
Conformément aux dispositions de ce mandat, et à l’issue de la période d’engagement initiale, je souhaite mettre fin à ce contrat.
Par la présente, je vous notifie donc ma décision de résilier le mandat de vente susvisé. Cette résiliation prendra effet à l’issue du délai de préavis de [X jours], soit le [date de fin calculée], conformément aux conditions prévues audit mandat.
Je vous remercie de bien vouloir cesser, à compter de cette date, toute publicité et toute démarche de commercialisation relatives à ce bien, et de retirer l’ensemble des annonces en ligne ou sur tout autre support.
Je vous prie également de me faire parvenir un écrit confirmant la prise en compte de la présente résiliation et la date d’effet de celle-ci.
Je vous remercie par avance de l’attention que vous porterez à ce courrier et vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées.
[Signature]
Commentaires pour adapter ce modèle
1. L’objet du courrier
Indiquez clairement qu’il s’agit d’une « Résiliation du mandat de vente » avec le numéro et l’adresse du bien. Cela évite toute ambiguïté du côté de l’agence, surtout si elle gère plusieurs biens pour vous ou plusieurs mandats similaires.
2. Le rappel du contexte
La phrase précisant le type de mandat, sa référence, sa date de signature et l’adresse du bien sert à identifier précisément le contrat en cause. En cas de litige ultérieur, ces mentions comptent.
3. La référence aux dispositions du mandat
La formule « Conformément aux dispositions de ce mandat » est importante : vous montrez que vous agissez dans le cadre prévu par le contrat, et non de manière unilatérale hors règles.
4. La date d’effet de la résiliation
Vous devez calculer la date de fin en tenant compte :
- De la date de réception prévisible du courrier (2–3 jours après envoi)
- Du préavis stipulé dans le mandat (par exemple 15 jours)
Si vous n’êtes pas sûr du calcul, vous pouvez rester plus général : « Cette résiliation prendra effet à l’issue du délai de préavis prévu au mandat. »
5. La demande de retrait des annonces
Il est utile de demander expressément le retrait de toutes les annonces, y compris sur les portails (SeLoger, Le Bon Coin, etc.). Certaines agences tardent parfois à le faire par manque de temps ou d’organisation.
6. La demande de confirmation écrite
Demander une confirmation écrite est une bonne pratique. En cas de silence persistant de l’agence, votre LRAR fera foi, mais une confirmation écrite simplifie les choses.
Et si un acquéreur se manifeste après la résiliation ?
C’est un point qui inquiète beaucoup de vendeurs. Imaginons :
- Vous résiliez le mandat à bon droit
- Quelques semaines plus tard, un acquéreur, qui avait visité avec l’agence, revient vers vous en direct
L’agent peut-il réclamer sa commission ?
Tout dépend du contenu de la clause dite de « client présenté » ou « clause pénale » du mandat. Cette clause prévoit souvent que l’agent a droit à sa rémunération si la vente se réalise avec un acquéreur qu’il a présenté, même après la fin du mandat, pendant une certaine durée (par exemple 6 à 18 mois).
Conséquences pratiques :
- Gardez une trace des visites effectuées (comptes-rendus, liste des acquéreurs transmis par l’agence)
- Vérifiez attentivement la clause sur les « acquéreurs présentés » avant de signer quoi que ce soit avec un acheteur qui aurait déjà visité via l’agence
- Au besoin, discutez avec l’agence : un accord amiable est souvent possible si chacun y trouve son compte
Quelques erreurs fréquentes à éviter
Pour terminer, quelques pièges que je vois régulièrement sur le terrain :
- Résilier par simple mail ou appel téléphonique : c’est insuffisant juridiquement. Privilégiez systématiquement la lettre recommandée avec accusé de réception.
- Ignorer la période d’irrévocabilité du mandat : envoyer une lettre trop tôt ne mettra pas fin au mandat, ou créera une fausse impression de liberté alors que vous êtes encore engagé.
- Ne pas relire le mandat avant d’envoyer la lettre : chaque contrat a ses spécificités. Ne vous fiez pas aux « on m’a dit que… ».
- Mélanger droit de rétractation et résiliation : les deux notions sont différentes. Les règles et délais ne sont pas les mêmes.
- Couper les ponts brutalement avec l’agence : même si la collaboration n’a pas été satisfaisante, mieux vaut rester courtois. Le monde immobilier local est souvent plus petit qu’on ne le pense.
En respectant le cadre légal, les délais et en rédigeant une lettre de résiliation claire et structurée, vous gardez la main sur votre projet immobilier sans vous exposer inutilement à des litiges. Et si vous avez un doute sur une clause ou une situation particulière, n’hésitez pas à consulter le mandat, interroger l’agence… ou vous rapprocher d’un professionnel du droit ou d’un conseiller spécialisé.

