Acheter un bien pour le louer, c’est bien. Savoir en combien de temps il sera réellement rentabilisé, c’est beaucoup mieux. Entre le discours des commerciaux, les “8 % de rentabilité garantie” sur les plaquettes et la réalité de votre compte bancaire, il y a souvent un monde.
Dans cet article, on va poser les chiffres à plat : comment calculer le temps nécessaire pour rentabiliser un achat immobilier, et surtout comment ce délai varie selon le type de bien (studio, T3, maison, immeuble, local commercial, résidence services…). Vous verrez que, d’une typologie à l’autre, l’histoire n’est pas du tout la même.
De quoi parle-t-on quand on dit “rentabiliser” un achat immobilier ?
Avant de parler de durée, il faut clarifier un point : rentabiliser, ça veut dire quoi pour vous ?
Dans la pratique, on rencontre trois approches :
- Rentabiliser via les loyers : vous considérez que le bien est “remboursé” quand la somme des loyers nets encaissés a compensé votre mise de départ et vos frais (apport, frais de notaire, travaux…)
- Rentabiliser via les loyers + la revente : vous intégrez la valeur de revente dans le calcul (éventuellement avec une plus-value)
- Rentabiliser via le cash-flow : votre objectif est d’atteindre un flux de trésorerie positif le plus vite possible, mais pas forcément d’être “remboursé” intégralement
Dans cet article, on va raisonner surtout sur la première approche (temps de retour sur investissement via les loyers), parce que c’est la plus simple pour comparer les types de biens. Mais on gardera en tête la revente potentielle, car elle peut bouleverser les résultats, notamment dans les zones très tendues.
Les 3 indicateurs de base à maîtriser
On entend beaucoup parler de “rentabilité brute à 9 %”, mais sans contexte, ce chiffre ne veut pas dire grand-chose. Il faut au minimum distinguer :
- La rentabilité brute :
(Loyer annuel / Prix d’achat FAI) x 100
Utile pour comparer rapidement des annonces, mais totalement insuffisant pour décider.
- La rentabilité nette de charges :
(Loyer annuel – charges non récupérables – taxe foncière – assurance PNO – gestion – petite maintenance) / (Prix d’achat + frais de notaire + travaux) x 100
C’est déjà bien plus proche de la réalité.
- La rentabilité nette-nette (après impôts) :
On reprend la rentabilité nette, puis on enlève l’impact de la fiscalité (IR + prélèvements sociaux). Là, on parle de ce qui reste vraiment dans votre poche.
Pour savoir en combien de temps vous allez rentabiliser un bien, ce qui nous intéresse surtout, c’est le flux de trésorerie net (cash-flow) :
Cash-flow annuel net = Loyers encaissés – toutes les charges – impôts – remboursement du crédit (intérêts + capital)
C’est lui qui permet d’estimer théoriquement le temps nécessaire pour récupérer votre mise.
La formule simple pour estimer le temps de rentabilisation
On peut raisonner avec une formule assez intuitive :
Temps de rentabilisation (en années) ≈ Montant investi de votre poche / Cash-flow annuel net
Par “montant investi de votre poche”, on entend :
- Votre apport
- Les frais de notaire payés comptant
- Les travaux initiaux non financés par le crédit
- Éventuellement certains frais annexes (mobilier, honoraires d’architecte, etc.)
Évidemment, ce calcul reste théorique, car :
- Le cash-flow varie dans le temps (révision des loyers, fin de crédit, évolution de la fiscalité)
- Vous aurez des périodes de vacance, des travaux imprévus, etc.
Mais c’est un bon point de départ pour comparer différents types de biens avec la même méthode. Passons maintenant aux cas concrets.
Studio étudiant en ville universitaire : rentabilité rapide mais fragile
Le studio étudiant est souvent présenté comme le “classique” de l’investissement locatif. Beaucoup de demandes, peu de superficie, ticket d’entrée limité… Sur le papier, tout est là.
Exemple :
- Prix d’achat FAI : 110 000 €
- Frais de notaire : 9 000 €
- Travaux + ameublement : 11 000 €
- Investissement total : 130 000 €
- Apport : 20 000 € (le reste financé à crédit)
- Loyer charges comprises : 620 € / mois, dont 60 € de charges récupérables
On simplifie :
- Loyer hors charges récupérables : 560 € / mois, soit 6 720 € / an
- Charges non récupérables + TF + assurance + gestion : environ 1 600 € / an
- Location meublée au régime LMNP réel : imposition très limitée les premières années (amortissements)
- Mensualités de crédit : 520 € / mois, soit 6 240 € / an
Calcul rapide :
- Revenu net avant crédit : 6 720 – 1 600 = 5 120 €
- Cash-flow annuel net après crédit : 5 120 – 6 240 = – 1 120 €
Dans cet exemple, le cash-flow est négatif : vous ne “rentabilisez” pas votre bien via les loyers, vous l’alimentez chaque mois. En contrepartie, vous remboursez du capital, vous bénéficiez potentiellement d’une revalorisation du bien, et vous êtes très bien placé sur le marché locatif.
Si, dans une variante plus optimisée, vous obtenez un cash-flow positif de +80 € / mois (960 € / an) pour 20 000 € d’apport, alors :
Temps de rentabilisation ≈ 20 000 / 960 ≈ 20,8 ans
On comprend immédiatement deux choses :
- Rentabilité potentielle correcte, mais pas un “jackpot” à court terme
- Le studio étudiant est sensible à la vacance locative, aux changements de mode de vie (coliving, bail mobilité) et aux éventuels travaux de copropriété
T2/T3 en ville moyenne : l’équilibre entre risque et rendement
Le T2 ou T3 dans une ville moyenne bien choisie est souvent plus “résilient” qu’un studio. La demande locative y est plus large : étudiants, jeunes actifs, couples, petites familles.
Exemple :
- Prix d’achat FAI : 150 000 €
- Frais de notaire : 11 000 €
- Travaux : 9 000 €
- Investissement total : 170 000 €
- Apport : 25 000 €
- Loyer hors charges : 750 € / mois, soit 9 000 € / an
- Charges non récupérables + TF + assurance + gestion : 2 200 € / an
- Mensualités de crédit : 730 € / mois, soit 8 760 € / an
Calcul :
- Revenu net avant crédit : 9 000 – 2 200 = 6 800 €
- Cash-flow annuel net : 6 800 – 8 760 = – 1 960 €
Là encore, beaucoup d’investisseurs sont en cash-flow légèrement négatif, mais sur un actif plus familial, moins volatil. Pour viser un cash-flow neutre ou légèrement positif, il faut :
- Soit acheter moins cher (négociation ou marché encore abordable)
- Soit optimiser la fiscalité (LMNP, déficit foncier bien géré)
- Soit augmenter la valeur locative (meublé de qualité, colocation, location mixte…) dans les limites légales
Avec un cash-flow positif de 100 € / mois (1 200 € / an) et un apport de 25 000 €, on obtient :
Temps de rentabilisation ≈ 25 000 / 1 200 ≈ 20,8 ans
On retrouve une durée proche de celle du studio, mais avec un profil de risque différent et souvent une meilleure liquidité à la revente.
Maison individuelle périurbaine : pari sur la revente plus que sur les loyers
La maison familiale louée à l’année offre une excellente stabilité locative… mais une rentabilité locative pure souvent plus faible, surtout en zone tendue ou périurbaine.
Exemple :
- Prix FAI : 280 000 €
- Frais de notaire : 21 000 €
- Travaux/mise aux normes : 19 000 €
- Investissement total : 320 000 €
- Apport : 40 000 €
- Loyer hors charges : 1 150 € / mois, soit 13 800 € / an
- Charges non récupérables + TF + assurance + entretien jardin/toiture moyen : 3 000 € / an
- Mensualités de crédit : environ 1 300 € / mois, soit 15 600 € / an
Calcul :
- Revenu net avant crédit : 13 800 – 3 000 = 10 800 €
- Cash-flow annuel : 10 800 – 15 600 = – 4 800 €
On est typiquement sur un bien qui se rentabilise difficilement via les loyers seuls. L’intérêt se trouve plutôt :
- Dans la revente à long terme (si le secteur est porteur)
- Dans la stratégie patrimoniale (transmission, résidence principale future, etc.)
La maison individuelle en location nue est donc rarement l’outil idéal si votre objectif principal est la rentabilité à court/moyen terme.
Immeuble de rapport : rentabilité accélérée, mais plus technique
L’immeuble de rapport cumule plusieurs avantages : achat en bloc, absence de copropriété (ou très limitée), mutualisation des risques de vacance, optimisation des travaux. C’est souvent le terrain de jeu des investisseurs qui veulent justement réduire le temps de rentabilisation.
Exemple :
- Prix FAI : 420 000 € pour un immeuble de 5 lots
- Frais de notaire : 32 000 €
- Travaux lourds + rafraîchissement : 78 000 €
- Investissement total : 530 000 €
- Apport : 60 000 €
- Loyers hors charges cumulés : 3 000 € / mois, soit 36 000 € / an
- Charges, TF, assurance, entretien : 9 000 € / an
- Mensualités de crédit : environ 2 500 € / mois, soit 30 000 € / an
Calcul :
- Revenu net avant crédit : 36 000 – 9 000 = 27 000 €
- Cash-flow annuel net : 27 000 – 30 000 = – 3 000 €
À première vue, on se dit “encore du cash-flow négatif…”. Mais :
- Une optimisation des loyers (division intelligente, meublé, colocation, repositionnement marché) peut faire grimper les loyers à 3 400 € ou 3 600 € / mois
- En LMNP ou en réel avec déficit foncier, la fiscalité peut être extrêmement favorable les premières années
Supposons qu’après optimisation, vous arriviez à :
- Loyers annuels : 42 000 €
- Charges et TF : 10 000 €
- Crédit : 30 000 € / an (inchangé)
- Cash-flow annuel net : 42 000 – 10 000 – 30 000 = 2 000 €
On a alors :
Temps de rentabilisation ≈ 60 000 / 2 000 = 30 ans
Ce n’est pas “instantané”, mais :
- Vous avez un actif massif qui se rembourse en grande partie tout seul
- Vous mutualisez les risques
- Vous gardez un potentiel de revente par lots, souvent supérieur au prix payé en bloc
Et si vous limitez l’apport à 40 000 € avec un cash-flow de 3 000 € / an, vous descendez à environ 13 ans de temps de retour sur investissement personnel.
Résidences services et LMNP géré : rentabilité “sur le papier” vs réalité
Les résidences étudiantes, seniors, EHPAD, appart’hôtels en LMNP géré promettent souvent des rendements bruts attractifs : 4 à 5 %, parfois plus. Le discours commercial est séduisant : loyer garanti, aucune gestion, fiscalité très avantageuse.
Mais du point de vue du temps de rentabilisation, il faut être très prudent :
- Les loyers sont souvent indexés faiblement et renégociés à la baisse lors du renouvellement du bail commercial
- La revente peut être compliquée, avec une décote importante
- En cas de défaillance du gestionnaire, la “garantie” disparaît
Dans ces produits, la question “en combien de temps je rentabilise mon achat ?” ne se limite pas au flux de loyers, mais doit intégrer un scénario de revente potentiellement peu favorable. On se retrouve parfois avec des temps de rentabilisation de 30, 40 ans ou plus si la plus-value est inexistante voire négative.
Local commercial : bon élève… quand tout va bien
Le local commercial peut offrir de très bons rendements locatifs et des baux sécurisants (3/6/9). Mais là encore, le temps de rentabilisation dépend énormément de l’emplacement et de la solidité du locataire.
Exemple simplifié :
- Prix FAI : 200 000 €
- Frais de notaire : 16 000 €
- Travaux : 4 000 €
- Investissement total : 220 000 €
- Apport : 30 000 €
- Loyer annuel : 16 000 € (loyer HT, charges refacturées au preneur)
- Charges non récupérables + TF : 3 000 € / an
- Crédit : 13 500 € / an
Calcul :
- Revenu net avant crédit : 16 000 – 3 000 = 13 000 €
- Cash-flow annuel : 13 000 – 13 500 = – 500 €
Avec une meilleure négociation ou un loyer légèrement plus haut (ou une durée de crédit allongée), on peut basculer en cash-flow positif. Avec, par exemple, 1 500 € de cash-flow annuel pour 30 000 € d’apport :
Temps de rentabilisation ≈ 30 000 / 1 500 = 20 ans
Sur le papier, le local commercial coche beaucoup de cases, mais le risque principal se concentre sur la vacance longue en cas de départ du locataire, ce qui peut faire exploser ce délai.
Résidence principale : un autre type de rentabilisation
On me demande souvent : “En combien de temps ma résidence principale est-elle rentabilisée ?” La logique n’est pas la même qu’en locatif, mais la question reste intéressante.
En pratique, vous pouvez considérer que votre résidence principale est “rentabilisée” lorsque :
- Le coût total (mensualités, intérêts, charges, travaux…) a été compensé par :
- La valeur de revente + l’équivalent de loyers que vous n’avez pas payés pendant toutes ces années
C’est plus complexe à chiffrer, mais dans nombre de cas, sur 15 à 25 ans, surtout dans les zones dynamiques, la résidence principale se révèle un excellent “placement forcé”, même si la rentabilité pure n’est pas optimale par rapport à un bon investissement locatif.
Les variables qui changent tout dans votre calcul de durée
Deux biens avec la même rentabilité brute peuvent avoir des temps de rentabilisation radicalement différents. Les facteurs clés :
- La fiscalité : location nue au micro-foncier vs LMNP réel, déficit foncier, régime réel, statut LMP… L’écart de trésorerie peut être significatif
- La vacance locative : un studio théoriquement à 8 % brut mais vide 3 mois par an peut se retrouver derrière un T3 à 6 % brut toujours loué
- Les travaux structurels : ravalement, toiture, ascenseur, mise aux normes énergétiques (DPE), tout cela grignote votre cash-flow et allonge la durée de rentabilisation
- Le coût du financement : taux, durée, assurance emprunteur. Un taux bas et une durée plus longue peuvent améliorer le cash-flow (mais allongent le temps de remboursement du capital)
- La dynamique du marché local : si le bien prend 30 % de valeur en 10 ans, votre temps de “rentabilisation globale” (loyers + revente) diminue mécaniquement
Comment utiliser ces calculs pour prendre une vraie décision ?
Plutôt que de chercher “le” chiffre magique, utilisez le temps de rentabilisation comme un outil de comparaison :
- Comparez plusieurs types de biens avec la même méthode (apport / cash-flow annuel net)
- Faites des scénarios prudents : vacance locative, travaux imprévus, hausse de taxe foncière
- Ne regardez pas uniquement la rentabilité : tenez compte de la liquidité (revente), de la localisation, de votre tolérance au risque, du temps de gestion que vous êtes prêt à y consacrer
Un studio bien placé qui se “rembourse” théoriquement en 22 ans, un T3 familial en 20 ans, un immeuble optimisé en 15 ans… Chaque stratégie a sa logique et son profil de risque. L’important est de mettre vos chiffres face à vos objectifs : complément de revenu immédiat, constitution de patrimoine, optimisation fiscale, préparation de la retraite, transmission…
Si vous prenez l’habitude de toujours vous poser la question “En combien de temps, avec ce bien précis, je récupère ce que j’ai mis de ma poche ?”, vous ferez déjà partie de la minorité d’investisseurs qui regardent derrière les promesses de rentabilité brute pour se concentrer sur ce qui compte vraiment : la réalité de la trésorerie, année après année.

